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Pline, de la nature non cultivée, tire les remèdes énumérés par Xanthus au cinquième siècle avant notre ère : le petit d’un dragon, ayant été tué, fut rappelé à la vie par son père à l’aide d’une herbe nommée balis. Un certain Tylon occis par un dragon le fut de la sorte.

Selon les épopées plus tardives issues du Caucase comme du nord européen, la fiction dévoile des propos similaires à ceux de l’historien : le héros observe les soins prodigués par un animal à sa propre espèce avant de l’appliquer à son compagnon d’armes.

Dans la vieille Europe, la médecine était évidemment essentiellement végétale, et se recueillait en pleine forêt.

Parmi les quatre articles recensés par Josiane Kouagheu à propos de la survie des Pygmées du Cameroun, outre l’éducation permettant de sauver les forêts comme l’explique lui même un jeune élève, la cartographie participative en tant qu’outil de reconnaissance de leurs droits et le contrôle de l’exploitation des palmiers producteurs d’huile de palme, la mise en péril de la pharmacopée locale par la déforestation sera la plus à même de permettre d’en discerner les enjeux culturels. Non pas, bien entendu, que l’Afrique vivrait comme l’Amérique du sud, les Indiens septentrionaux ou les aborigènes les derniers moments d’une Antiquité transposée, tels ne sont pas mes propos. Mais de mesurer les enjeux de la biodiversité de nos écosystèmes sous un autre angle.

Dans ce troisième article, Mme Kouagheu revient sur la menace d’une disparition de soins prodigués à base de feuilles, d’écorces et de fruits ; remèdes à l’empoisonnement, à la stérilité, la fièvre typhoïde, aux maux de dos, de reins, de dents, et même les maladies cardiovasculaires. On se sert encore de ces feuilles et de ces écorces afin de soigner de nombreuses maladies telles que la typhoïde, les empoisonnements, le paludisme ou les maux de ventre.

Le médecin grille ou fait bouillir les ingrédients prélevés. Mais les distances à parcourir deviennent de plus en plus importantes, entraînant des retraites de plusieurs jours à la recherche de la feuille ou de l’écorce de bubinga ou de moabi. Ce moabi ou Baillonella toxisperma parvient à une hauteur de 60 à 70 mètres après près de 600 ans. Ses usages sont tant culturels, médicinaux qu’économiques, vecteur d’équilibre des écosystèmes en procurant des fruits et des graines dont se nourrissent certains animaux comme les éléphants et les chimpanzés. Il procure aussi des huiles et beurres très prisés.

Comme en Europe ancienne, le moabi, antidote à la sorcellerie, représente pour les Baka un véritable enjeu cultuel. Cependant, l’arbre sacralisé se raréfie dans de nombreuses zones forestières, devenu aujourd’hui l’une des essences les plus prisées sur le marché international des bois tropicaux pour être vulgairement abandonné sous forme de troncs.

« Des études ont permis d’inventorier plus de 500 espèces de plantes utiles à la pharmacopée traditionnelle. »

Dans l’exemple caucasien, il s’agit de l’usage d’une perle aux vertus de simples. Un auteur aujourd’hui oublié, l’un de ces maudis de l’histoire dont la réputation emporte l’oeuvre, mais qui a toutefois marqué son temps d’une prose certainement encore trop universelle, y a consacré tout un chapitre dans un ouvrage dédié aux symboles.

La perle aurait, dans la médecine tant orientale qu’occidentale joué un rôle de catalyseur notamment contre les hémorragies affaiblissant les héros épiques mais aussi de maladies comme la jaunisse ou encore dites de l’esprit : « démoniaques » et folie. Ces croyances émergeraient de l’Inde médiévale où elle joue un rôle ophtalmique (en solution poudreuse, aussi en Chine et dans le monde arabe), en tant que remède aux empoisonnements ou à la phtisie. Globalement, ses bienfaits apotropaïques favorisent la vigueur et la santé. Préservant du poison ou des démons comme de la vieillesse ou de la maladie, son symbolisme devient celui d’une variable substituée à un élixir, notamment ceux confectionnés dans la médecine végétale. Elle symbolise dans ce sillage l’a-mortalité.

Son usage thérapeutique serait apparu dans l’Europe au VIIIs. pour gagner l’intérêt des « médecins » (ésotérisme, etc).  Son usage sera réservé au traitement de l’épilepsie, de la folie et de la mélancolie pour être rangée parmi les drogues de longévité.

Comme dans le contexte caucasien, il s’agit d’« un héritage des rapports mythiques entre perle et serpents. » On croyait qu’elles provenaient de la tête des reptiles ou encore de la gueule des dragons.

« Aux confins de la magie et de la médecine, la perle remplit le rôle ambigu de talisman ; ce qui auparavant donnait fertilité et assurait un sort idéal post mortem devient peu à peu source constante de prospérité. » En tant que talisman, l’auteur évoque les épidémies et le courage.  Coquillage et perle ont fini par connaître, comme l’industrie forestière, une existence matérielle, marchandise monnayable non dénuée d’un certain prestige et d’un exotisme irrésistiblement fécond.

À lire dans Le Monde Afrique

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